Archive pour la catégorie ‘LibreOffice’

LibreOffice : nouveaux remous

Lundi 21 août 2023

Depuis quelques années, le projet autour de LibreOffice est entré dans une phase de « rentabilité à tout prix ». En cause, le modèle économique qui fait que majoritairement, le code est fourni par des entreprises (Collabora, CIB ou Allotropia) qu’on appelle écosystème. Celui-ci a pour objectif de monétiser le service autour du logiciel gratuit. Or depuis l’origine, les retours sur investissement ne sont pas à la hauteur et les tentatives pour être rentable se sont multipliées.

En 2020, les premières tensions apparaissent avec une omniprésence pesante de ces entreprises sur la stratégie à adopter. Notamment avec la version « en ligne » payante qui ne décolle pas financièrement(1).

Puis en 2021, la dénomination Entreprise/Communauté a vu le jour(2). En gros, il s’agit de fournir contre paiement et en priorité une version LTS(3). Celle-ci serait à destination des professionnels et comprend du support et de la correction de bogues. La version communautaire reste gratuite mais n’inclut pas forcément les correctifs.

A priori, deux ans plus tard, ce paradigme est à la peine et une nouvelle tentative a vu le jour pendant la torpeur estivale(4). Il s’agirait de supprimer la fourniture des binaires. En clair, il n’y aurait plus de programmes d’installation et chacun devra compiler les sources pour obtenir LibreOffice ensuite. A défaut, ceux qui n’auraient pas la connaissance technique devront alors payer.

Beaucoup de bénévoles se demandent maintenant si le projet va pouvoir continuer dans cette voie. Peut-être revenir aux fondamentaux et à la philosophie de départ avec le projet OpenOffice d’Apache qui a toujours écarté de par sa licence, la main-mise d’entreprises sur le code source.

(1) http://oooforum.free.fr/index.php/2020/12/14/libreoffice-7-1-en-dualite/
(2) http://oooforum.free.fr/index.php/2020/11/08/libreoffice-sur-tous-les-fronts/
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Long-term_support
(4) https://community.documentfoundation.org/t/ideas-around-tdfs-future/11436

TDF suspend RusBITech de ses consultants

Mercredi 2 mars 2022

Pour rappel, TDF est l’association à but non lucratif qui s’occupe du développement de LibreOffice.

Crise en Ukraine oblige, TDF dans son blogue(*), vient annoncer suspendre son consultant russe. RusBITech aurait en effet, des accointances avec le complexe militaro-industriel de la Fédération de Russie.

Comme quoi, le logiciel  libre peut aussi être politique.

(*) source

LibreOffice 7.1 en dualité ?

Lundi 14 décembre 2020

Rappelons d’abord que LibreOffice est un dérivé d’OpenOffice. C’est un projet autonome créé en 2010 et qui est supervisé par une association à but non lucratif de droit allemand dénommé « The Document Foundation » (abrégé en TDF).

Officiellement ratifiée le 10 décembre, la feuille de route(1) de TDF donnera le ton de la prochaine décennie d’exploitation de LibreOffice. Après les frictions entre les différentes mouvances du projet(2), il a été décidé de ménager la chèvre et le chou. Les entreprises qui sont pudiquement appelées « écosystème » auront le droit de publier une version « Entreprise ».

Jusqu’à présent, la confusion était entretenue avec les versions dites Collabora (notamment, « en ligne » avec COOL(3) ou mobile). Désormais, elles seront toutes estampillées LibreOffice et COOL deviendrait LOOL(4). Elles ne seront toujours pas gratuites puisque proposées avec une offre de service (support et maintenance) et à destination du monde professionnel. A l’instar, la Fondation du Document continuera de publier de son côté une version « Communauté » pour le commun des mortels.

Cette double dénomination devrait apparaître pour la prochaine branche 7.1. La « famille » LibreOffice reste donc unie… sur le plan marketing. TDF devrait même disparaître médiatiquement au profit du nom « Projet LibreOffice » afin de gagner en lisibilité. La marque deviendrait alors un parapluie publicitaire pour les versions Entreprise.

Entreprise vs Communauté

Mais la version gratuite pour la Communauté sera t-elle équivalente à son pendant « Entreprise » ? La feuille de route indique déjà que LOOL aura la possibilité d’une mention sur la disponibilité d’une version optimisée pour l’entreprise. L’écosystème pourra fournir ses propres versions, les publier à son rythme et se différencier positivement en apportant de nouvelles fonctionnalités. Ses fonctionnalités seraient ensuite intégrées sur la version « Communauté ».

Reste à savoir sous quel délai et dans quelles conditions, cela n’est pas précisé. Tout cela sera annoncé en janvier prochain.

(1) https://tinyurl.com/yy5vrqr3
(2) Lire http://oooforum.free.fr/index.php/2020/11/08/libreoffice-sur-tous-les-fronts/
(3) Collabora Office On Line
(4) Abréviation de Libre Office On Line

LibreOffice sur tous les fronts

Dimanche 8 novembre 2020

Rappelons d’abord que LibreOffice est un dérivé d’OpenOffice. C’est un projet autonome créé en 2010 et qui est supervisé par une association à but non lucratif de droit allemand dénommé « The Document Foundation » (abrégé en TDF). Souvent mise en avant comme argument marketing, cette suite bureautique qu’est LibreOffice serait largement utilisée dans l’Administration française et notamment la Gendarmerie. Ce qui est souvent oublié, c’est que ce n’est pas la version du projet original mais un dérivé adapté à ses besoins. Dénommée MIMO, elle n’est pas (ou plus) LibreOffice dans ses récentes évolutions bien qu’elle en porte toujours le nom. S’ajoutent également des versions payantes de LibreOffice qui sont mises à disposition sur l’Apple Store. Ces dernières sont maintenues et vendues par Collabora.

Comme je l’ai mentionné dans un précédent billet, Collabora Productivity est l’entreprise dominante du projet LibreOffice. C’est elle qui fournit l’essentiel des ressources humaines en matière de développement et donc de développeurs. Ultime résurgence du défunt Novell, cette société a su capitaliser ses précédents investissements du projet Go-OO (une première scission d’OpenOffice apparue en 2007). En 2013, Michael Meeks en devient le vice-président. Sa situation de responsable du comité de projet dans TDF depuis son origine lui a donc permis d’insuffler les principaux changements et orientations dans le logiciel. Trop sans doute…

Après 10 années d’existence, la Fondation du Document traverse sa première crise. Des scissions sont apparues dernièrement au sein du conseil d’administration. Certains membres ayant décidé unilatéralement de modifier le nom des versions. Il s’agissait de fournir une version professionnelle et une version personnelle. La première aurait été à destination des entreprises (et donc qui paieraient pour l’avoir). La seconde restant gratuite et aurait le grand public comme principal utilisateur. Beaucoup de monde y a vu l’apparition déguisée d’un modèle payant et d’un logiciel à deux vitesses.

A cela, s’est ajoutée la création d’une seconde structure dénommée TDC. Acronyme de « The Document Collective », elle devait agir dans le développement. Le problème, c’est que TDC aurait été basée aussi au Royaume-Uni comme Collabora. Pilotée comme une entreprise, elle aurait été financée par des fonds en provenance de TDF. Un bel imbroglio très mal vu notamment par tous ceux ayant versé des dons. Il s’agissait de contourner le cadre juridique de TDF dont les statuts empêchent de mener des actions de développement.

Là encore, on pourrait y voir la main-mise de Collabora Productivity. La société anglaise s’est quelque peu embourbée dans son projet Collabora Online. Une version destinée à concurrencer les mastodontes que sont G**gle ou Microsoft en offrant une alternative bureautique disponible à travers un navigateur. Ce fameux LibreOffice « en ligne » (qui n’en porte donc pas le nom) a jusque là été uniquement proposé en code source. Collabora n’y a instauré qu’une collaboration autour du développement sans proposer de version utilisable. Car il faut bien sûr pousser les potentiels clients à acheter une assistance autant d’installation qu’en terme de support. Le fait que TDF souhaite reprendre la main sur l’application et surtout sur le nom, serait d’arrêter d’entretenir la confusion dans l’esprit des utilisateurs quant à la multiplicité des appellations. Mais laisser tout ça signifie un lourd sacrifice financier que Collabora a du mal à accepter.

Michael Meeks qui se plaignait autrefois de l’omnipotence de Sun ou d’Oracle sur OpenOffice, se voit à son tour la cible de toutes les critiques. En réponse à cette situation, Collabora vient de pousser LibreOffice, pardon, Collabora Online sur la plateforme GitHub. Cela lui permet de continuer à dire que le projet est libre et de garder la main sur sa gestion sans avoir à en référer à TDF. Meeks espère ainsi rentabiliser Collabora tout en ménageant les tensions au sein de TDF dans lequel il souhaite continuer à œuvrer. Bien sûr, rien n’empêche les autres membres de TDF de récupérer le code de Collabora et de le rendre disponible dans un LibreOffice gratuit. Mais cela est-il possible réellement ? Car même si TDF en avait les ressources techniques (et humaines), il prendrait le risque de perdre son contributeur principal.

Début octobre, Lothar Becker, l’actuel président de TDF a demandé aux autres membres de « trouver des compromis et des solutions gagnant-gagnant « . Il note qu’il sera nécessaire de revoir un plan marketing adapté. Et ce qui va se passer ensuite ? Difficile à prévoir. Faut-il ramener Collabora pleinement dans le giron de la fondation et risquer d’augmenter les tensions avec d’autres membres de la communauté ? Attendre que d’autres entreprises commerciales viennent compléter les contributeurs ? Donc oui, c’est à cela que ce plan marketing doit servir, favoriser et valoriser les entreprises de cet écosystème fragile tout en assurant un développement soutenu de LibreOffice sans restriction d’usage.

Licence : entre liberté et liberticide

Vendredi 23 octobre 2020

LicenceBien sûr quand on parle de logiciel libre, on parle de licence. En tant qu’utilisateur final, vous n’en avez que faire. Souvent, seule vous importe la gratuité qui vous a été accordée pour son usage. Mais c’est plutôt en tant que développeur, que cette licence prend de l’importance. Suivant celle adoptée par le projet, le travail de codage publié aura des répercussions plus ou moins restrictives. Ici, on ne parle pas de programmeur indépendant, jeune étudiant en codage ou dilettante passionné mais d’abord d’entreprises informatiques qui emploient des développeurs et qui commercialisent des solutions autour du logiciel libre.

OpenOffice depuis sa reprise par la Fondation Apache, est publié sous sa licence éponyme AL v2. Celle-ci est classée dans les licences permissives. Contrairement à LibreOffice qui est sous double licences (MPL v2 et GPL v3) et qui sont elles, classées dans la catégorie « copyleft » et jugées comme restrictives. Ce qu’il faut déjà savoir c’est que ces deux catégories sont incompatibles même si elles se rapportent à des logiciels libres.

Ce paradoxe va permettre ainsi à LibreOffice de profiter de tout code publié par OpenOffice mais à l’inverse, le code publié par LibreOffice ne pourra être repris par OpenOffice.

Car la licence Apache d’OpenOffice impose peu d’obligations. Si une entreprise veut récupérer le logiciel pour le faire évoluer, il devra respecter la paternité de la licence mais pas la redistribution. En clair, s’il y a eu modification du code, elle n’est pas soumise à publication. A l’inverse, la même chose ne sera pas possible avec LibreOffice qui imposera que tout composant développé devra être publié sous la même licence et avec son code source. D’où la présence d’une restriction forte quand il faut contribuer.

Cette approche restrictive peut sembler plus logique dans sa philosophie mais elle a un inconvénient majeur. Elle freine toute usage par des entreprises qui chercheraient à intégrer un logiciel libre sous copyleft. Ainsi en France, le non-respect de la licence expose le contrevenant à une action en contrefaçon, sanctionnée par l’article L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle (les sanctions pouvant atteindre 150.000 € d’amende et 2 ans d’emprisonnement). Il faut faire face à une alternative : répercuter l’engagement avec ses clients ou choisir d’interdire à ses développeurs l’utilisation de logiciels à code ouvert pour les intégrer dans des développements propriétaires. La plupart du temps, le choix est vite fait. Ces projets se privent d’emblée, d’entreprises qui pourraient devenir de futurs contributeurs.

Beaucoup avancent que le copyleft protège le développeur. En fait, il protège d’abord l’entreprise qui emploie le(s) développeur(s). Collabora et CIB, les principales entreprises contributrices du projet LibreOffice, gardent ainsi la main-mise sur leur investissement. Il s’agit de conserver une certaine brevetabilité du code. Ce qui joue un rôle certain dans la valorisation des actifs immatériels de ces sociétés. Un passage en licence permissive aurait donc un impact financier certain. Par exemple, la Fondation Apache estime ses projets pour une valeur supérieure à 20 milliards de dollars.

Qu’on ne s’y trompe pas, la tendance depuis plusieurs années est à la baisse des projets en licence copyleft. En 2019, on n’en comptait plus que 33 %(1) contre 57 % en 2011. Les licences MIT et Apache sont désormais majoritaires.

(1) Source : https://resources.whitesourcesoftware.com/blog-whitesource/open-source-licenses-trends-and-predictions